Subtilités des termes juridiques en français et en anglais

La traduction juridique couvre de nombreux domaines comme le droit commercial, le droit des sociétés, le droit pénal, le droit international ou le droit de la propriété intellectuelle. Ces différentes branches du droit, ainsi que d’autres, pose de véritables problèmes de traduction tant leur terminologie est spécifique. Chaque langue, chaque pays dispose d’une terminologie bien particulière exigeant, plus encore que pour d’autres secteurs, des traducteurs expérimentés en traduction juridique et assermentée.

Debarment

Traduction juridique du terme Debarment

Ce terme, pourtant très courant aux Etats-Unis, est curieusement absent de la plupart des dictionnaires juridiques bilingues et lorsqu’il y figure, sa traduction est le plus souvent inexacte. Le Lexique juridique du Conseil de l’Europe, par exemple, propose de le traduire Debarment (en anglais) par « forclusion » (en français), terme qui désigne la perte d’un droit qui n’a pas été exercé dans les délais impartis (« être frappé de forclusion », « être forclos d’un droit »).

Le terme debarment, au regard des nombreuses définitions qui en sont proposées sur Internet ou dans les dictionnaires unilingues, a manifestement un sens plus large :

« the state of being debarred (excluded from enjoying certain possessions or rights or practices ; the act of prevention by legal means; “they achieved his debarment from holding public office”. » (www.thefreedictionary.com).

« Debarment: An action taken by debarring officials in accordance with this chapter to exclude a person from participating in covered transactions. A person so excluded is “debarred.” » (cf . Suspension and Debarnment – FAQ – Federal Highway Administration).

Ces quelques définitions permettent de mieux cerner le terme et de suggérer quelques pistes de traduction en français : « suspension », « exclusion », « interdiction », « privation d’un droit ». Dans ces deux exemples en contexte, ce sont les deuxième et troisième solutions qui sont retenues :

  • Texte en anglais : « OII has played a significant role in finalizing procedures for debarment and sanctioning of private firms and individuals… ».
  • Traduction en français : « L’OII a joué un rôle important dans l’établissement des procédures d’exclusion et de sanctions contre les sociétés privées ou les particuliers… » (Rapport annuel de la Banque Interaméricaine de Développement).
  • Texte en anglais : « The new agreement calls for greater due diligence when an exporter appears on the debarment list of the World Bank. ».
  • Traduction en français : « Ce nouvel accord demande aux membres d’approfondir leurs vérifications lorsqu’un exportateur figure sur la liste d’interdiction publiée par la Banque mondiale. »

Le terme debarment apparaît d’ailleurs souvent en cooccurrence avec suspension ou exclusion, ce qui confirme sinon la stricte synonymie des termes du moins leur proximité sémantique : « Debarment or suspension does not affect a person’s eligibility for… » ; « Failure to comply with an administrative subpoena may result in sanctions including exclusion or debarment from such programs. » ; « In addition, you are required to disclose immediately any debarment, exclusion or suspension from federal health care programs. »

Source : Juripole

Dont acte

Pourtant largement répandue dans le langage courant, l’expression “Dont acte” se heurte encore souvent à l’incompréhension du public. Trouvant son origine dans le vocabulaire du droit, cette formule apparaît au bas des actes juridiques les plus divers (actes de mariage ou de naissance, testaments, etc.) et également parfois à la fin des jugements.

Son caractère elliptique – que partagent d’autres expressions telles que « où étant et parlant à » ou « plaise au tribunal » – est la preuve que le langage juridique n’est pas toujours synonyme de délayage et de verbosité. L’expression vise ce dont il est donné acte (= le texte qui précède) et, plus précisément, ce qui constitue l’acte en question, au sens juridique : elle signifie donc à la fois « bonne note est prise de ce qui précède » (qui est aussi le sens courant) et « le texte qui précède constitue le présent acte ».

« Dont acte » est une formule rituelle dont la portée juridique est relativement limitée mais qui permet de préciser que le texte est conforme à la volonté des parties (dans le cas d’un acte passé devant notaire par exemple) ou à celle du juge (dans le cas d’une décision de justice).

Si la valeur juridique de l’expression est toute relative, le « donner acte », en procédure civile, est une notion bien précise : une partie désireuse que le tribunal constate un de ses actes ou une de ses affirmations peut en effet demander à celui-ci de « lui donner acte que … (par exemple, qu’elle se réserve de plus amplement conclure, ou qu’elle se réserve d’agir au fond, ou qu’elle renonce à exercer tel droit ou à demander telle chose). En lui donnant acte, le tribunal confère l’autorité de la chose jugée à cette affirmation, de sorte qu’une autre juridiction – en dehors de l’exercice des voies de recours – ne pourra pas ensuite dire le contraire » (Alexis Baumann, avocat). D’où le terme « jugement de donner acte », qui désigne un « jugement qui constate un fait ou un acte des parties (…) dont il constitue une preuve authentique » (Vocabulaire juridique Cornu). Dans ce cas, la locution « dont acte » est remplacée par les expressions « donner acte de » ou « donner acte que » : « le Tribunal donne acte à la partie civile de sa constitution » ; « (La Cour) Donne acte à la CPAM de … du désistement partiel de son pourvoi… » ; « (Le Tribunal) Donne acte à la société X que la résolution afférente à la mise en distribution du dividende a été définitivement adoptée par assemblée générale du… ».

Traduction français – anglais de “Dont acte”

Différentes traductions possibles en anglais de « dont acte » en anglais (liste non exhaustive) :

  • whereto I attest,
  • in witness whereof,
  • whereof record,
  • duly registered,
  • duly acknowledged.

Faute d’un équivalent strict en anglais, ces traductions – comme celles proposées par les dictionnaires juridiques – sont inévitablement approximatives et il conviendra d’examiner attentivement le contexte avant de choisir celle qui convient.

Source : Juripole

Living trust

De toutes les formes que peut prendre le trust, le living trust est incontestablement l’une des plus courantes. Le succès du living trust, qui peut être révocable ou irrévocable, s’explique en partie par le fait qu’il permet, contrairement au testament, d’éviter la procédure de probate (règlement des successions), souvent longue et coûteuse.

Le terme living trust est synonyme de inter vivos trust, comme en témoigne cette définition : « A revocable inter vivos trust (living trust) is created for the purpose of holding ownership to an individual’s assets during the person’s lifetime, and for distributing those assets after death. (…) It is called a living trust because it is created during the grantor’s lifetime, and takes effect during the grantor’s lifetime. By contrast, a will does not take effect until after death » (www.oag.state.ny.us/seniors/living_trust.html).

Les parties au living trust (et aux trusts en général) sont le grantor, qui constitue le trust, le trustee, qui en assure l’administration selon les instructions du grantor, et le beneficiary, pour le compte duquel le trust est constitué. Il est à noter que si grantor est le plus souvent traduit (« constituant »), trustee est souvent repris tel quel en français, comme dans la version française de la Convention de La Haye de 1985 sur les trusts, qui vise à assurer la reconnaissance de cette institution dans les pays de droit civiliste.

Traductions possibles du terme trustee en français

  • « administrateur (fiduciaire) »
  • « mandataire »
  • « gérant »
  • « dépositaire »

Traductions du terme “living trust” en français

  • trust entre vifs ou fiducie entre vifs
  • inter vivos ou entre vifs

Deux traductions anglais-français sont envisageables selon le contexte : « trust entre vifs » constitue sans doute la traduction la plus générale, utilisable dans la plupart des cas. Dans le contexte canadien, il faudra toutefois préférer « fiducie entre vifs », qui correspond à la terminologie officielle. Il est à noter que la locution latine « inter vivos », fréquente en contexte de common law, est également connue du droit français (cf. « donation inter vivos ») mais l’expression « entre vifs » semble plus largement employée.

En témoigne notamment le début de l’article 2 de la Convention de La Haye  :

  • Traduction Anglais : « For the purposes of this Convention, the term “trust” refers to the legal relationships created – inter vivos or on death – by a person, the settlor, when assets have been placed under the control of a trustee for the benefit of a beneficiary or for a specified purpose. »
  • Traduction Français : « Aux fins de la présente Convention, le terme « trust » vise les relations juridiques créées par une personne, le constituant – par acte entre vifs ou à cause de mort – lorsque des biens ont été placés sous le contrôle d’un trustee dans l’intérêt d’un bénéficiaire ou dans un but déterminé » (nous soulignons).

Il n’est sans doute pas inutile de rappeler au passage la signification de l’expression « entre vifs » : « Expression consacrée destinée à caractériser un acte juridique bilatéral qui produit ses effets du vivant même de ses auteurs. (…) Antonyme : à cause de mort. » (Vocabulaire juridique Cornu).

Source Juripole

Misrepresentation

Le concept de misrepresentation étant propre à la common law, il n’est pas rare de voir le terme original (et ses variantes) conservé dans les textes en français, même lorsqu’une traduction est proposée.

Traduction en français de Misrepresentation

Les principales traductions proposées par les dictionnaires vont dans le sens d’une :

  • « fausse déclaration »,
  • « déclaration inexacte »
  • « déclaration dolosive ».

Si elles sont tout à fait correctes, ces traductions ne doivent toutefois pas faire oublier que le terme misrepresentation peut aussi avoir le sens de « déformation des faits » ou de « présentation erronée des faits » : passer un fait sous silence, par exemple, au moment de signer un contrat est également constitutif de misrepresentation.

C’est le sens que retient le Dictionnaire juridique de Raoul Aglion (Brentano’s, 1947) : « Misrepresentation. Présentation erronée des faits (intentionnelle ou non intentionnelle), pouvant entraîner une erreur sur la substance du contrat ».

Le terme est parfois traduit par « dol » ou « déclaration dolosive » : ces traductions sont correctes mais uniquement lorsque la misrepresentation est fraudulent, autrement dit lorsqu’elle est faite dans l’intention de nuire ou de tromper. Le caractère intentionnel constitue en effet un élément indispensable du dol. Dans d’autres cas, la misrepresentation peut être negligent (déclaration inexacte faite par négligence) ou innocent (assertion inexacte mais sincère, faite de bonne foi).

Notion de misrepresentation en common law : « Le mot misrepresentation désigne une fausse déclaration, une fausse affirmation (…). Dans le contexte du droit des contrats, le terme representation désigne toute assertion écrite ou orale, ou inférée de la conduite d’une personne. Pour reprendre les définitions données par René David, ‘Representation ne signifie pas autre chose en anglais que l’affirmation faite par un des contractants, la manière dont il ‘présente’ à son contractant les circonstances ou la chose objet du contrat. Il y a misrepresentation lorsque la déclaration ainsi faite ne correspond pas à la réalité’ » (Source : Droit anglais des affaires (Dalloz, 2000), Olivier Moréteau).

Source : Juripole

Refoulement

Le traducteur français sera parfois tenté d’employer le terme “refoulement” dans le domaine des mesures d’éloignement forcé des étrangers, pour traduire, notamment, le terme anglais “removal”. Bien que cela reste une des solutions possibles, “refouler” peut avoir des connotations particulières, voire des usages “techniques”. Il a notamment subi une évolution historique en France.

La traduction juridique du terme “refoulement” peut avoir plusieurs significations qu’il convient de préciser.

Traduction Français – Anglais de “Refoulement”

On parlait jadis de “refoulement” en France pour désigner la procédure administrative qui, aujourd’hui, équivaut à la reconduite à la frontière.

Lors de l’élaboration de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés, les délégués francophones ont ainsi voulu intégrer dans le texte la notion de « refoulement », à côté du terme « expulsion », afin de couvrir les différentes procédures d’éloignement de l’époque. Cela posait d’emblée un problème de traduction aux yeux des délégués anglophones ; ainsi peut-on lire dans les travaux préparatoires :

“Sir Leslie Brass (United Kingdom) concluded from the discussion that the notion of refoulement could apply to (a) refugees seeking admission, (b) refugees illegally present in a country, and (c) refugees admitted temporarily or conditionally. Referring to the practice followed in his own country, Sir Leslie stated that refugees who had been allowed to enter the United Kingdom could be sent out of the country only by expulsion or deportation. There was no concept in these cases corresponding to that of refoulement… Mr. Ordonneau (France) considered that the inclusion in the draft convention of a reference to the concept of refoulement would not in any way interfere with the administrative practices of countries such as the United Kingdom, which did not employ it, but that its exclusion from the draft convention would place countries like France and Belgium in a very difficult position.” (UN Doc. E/AC.32/SR.21, Feb. 2, 1950, p. 5).

Puisqu’il n’y avait pas de traduction précise et convenable de ce terme, les rédacteurs ont donc laissé le verbe « refouler » entre parenthèses (après le mot return) dans le texte anglais de la Convention. Dans ce contexte, le terme désigne le transfert d’un réfugié dans un pays où il peut craindre des persécutions en raison de ses opinions politiques ou religieuses. C’est dans ce sens particulier que le terme français apparaît toujours dans des textes de langue anglaise afférents au droit d’asile.

En droit suisse, la notion de « refoulement » se limite à l’éloignement des réfugiés (art. 5 de la Loi sur l’asile), alors qu’en Belgique la mesure de refoulement fait encore partie de l’arsenal de procédures d’éloignement forcé s’appliquant à tous les étrangers. Comme d’autres termes dans ce domaine du droit des étrangers « refoulement » peut prêter à confusion, surtout hors contexte. Son usage générique ne serait pas forcément erroné dans un article de presse, mais la prudence s’impose lorsqu’il s’agit de traduire un texte juridique. Il serait peut-être préférable de réserver ce terme au contexte du droit d’asile, c’est à dire au sens conféré à ce terme par la Convention relative aux réfugiés et par le droit international humanitaire. S’il s’agit de trouver un terme générique en français, « éloignement » constitue généralement une meilleure solution.

Source intégrale sur Juripole.

Subpoena duces tecum

Si le terme subpoena (« assignation ») est répertorié dans tous les dictionnaires juridiques bilingues, il n’en va pas de même de subpoena duces tecum. Ce dernier terme est pourtant très usité dans la procédure américaine, où il désigne « a type of subpoena that requires the witness to produce a document or documents pertinent to a proceeding. From the Latinduces tecum, meaning “you shall bring with you”. » (www.law.cornell.edu)

Traduction de subpoena duces tecum

Dans la mesure où la subpoena duces tecum ordonne au témoin de produire certains documents ou d’autres pièces, il n’est pas rare d’y trouver ce genre d’injonctions : « To the person summoned: You are commanded to make available the documents and tangible things designated and described below (…) to permit such party or someone acting in his or her behalf to inspect and copy, test or sample such tangible things in your possession, custody or control. »

Avant de se poser la question de la traduction de ce terme, il est à noter qu’il est souvent utilisé tel quel, sous forme d’emprunt, par les juristes canadiens d’expression française : « (…) le Commissaire n’a pas compétence pour photocopier certains documents qu’il a reçus conformément à un subpoena duces tecum (…) » (Commissariat à l’information du Canada) ; « Un subpoena duces tecum a été signifié au responsable du BCP lui enjoignant de comparaître pour déposer devant le représentant du commissaire et d’apporter certains documents. » (document du Bureau du Commissaire à la magistrature fédérale).

Dans d’autres cas, le terme est repris tel quel en français mais il est assorti d’une traduction explicative, destinée à en éclairer le sens : « Dans l’écriture déposée par la République de Croatie, s’agissant de l’injonction à produire, la subpoena duces tecum,… »  ; « la production d’enregistrements par le Président Nixon à la suite d’une subpoena duces tecum (injonction d’avoir à produire des documents), (…). » . Avant d’entreprendre une traduction, le traducteur devra s’interroger sur la nécessité de conserver ou non le terme original.

S’agissant de la traduction du terme, outre les équivalences proposées ci-dessus, le traducteur pourra opter pour d’autres solutions, parmi lesquelles « ordonnance de production de pièces » ou « injonction de produire ». Le terme « ordonnance de soit-communiqué », proposé dans le Lexique juridique du Conseil de l’Europe, est à éviter dans la mesure où il désigne un concept différent de celui de subpoena duces tecum : « Ordonnance par laquelle le juge d’instruction (…) ordonne la communication de la procédure d’un dossier au procureur de la République qui devra ensuite lui adresser ses réquisitions. » (G. Cornu, Vocabulaire juridique)

Source : Juripole

Without prejudice

L’expression “Without prejudice” ne pose pas véritablement de problème de traduction anglais – français, mais les différentes définitions qui en sont données témoignent de sa grande souplesse et de ses nombreux contextes d’emploi.

Contextes juridiques du terme “Without prejudice”

« The basic meaning is ‘without loss of any rights’. It is a term used when two parties are in dispute, and one makes a settlement offer to the other. It puts ‘without prejudice’ on its offer to make it clear that the settlement offer should not be construed as a waiver of rights. » (www.finance-glossary.com).

« Where negotiations are said to be ‘without prejudice’, it means that nothing that is said or done is admissible in evidence in any subsequent trial should the negotiations fail. » (www.wrighthassall.co.uk)..

« “Without Prejudice” is a legal term of art – meaning there is a precise meaning used in law. The term is used to denote that the offer or admission is made but that the declarer of the offer or admission nevertheless reserves the right to renege on the offer or admission (…). » (www.daleydemont.ns.ca).

Cette définition est peut-être la plus éclairante : « Without prejudice (= without loss of any rights) is peculiar to legal jargon. The phrase describes a legal action – either judicial or among private parties – that in no way harms or cancels the legal rights or privileges of a party. The antonym is with prejudice. » (Bryan A. Garner, A Dictionary of Modern Legal Usage).

Si la locution without prejudice peut parfois prêter à confusion, surtout pour les non-juristes, sa traduction française, « sous toutes réserves », apparaît peut-être plus transparente :

  • Traduction anglais : « A tenant may continue, without prejudice, to pay rent… ».
  • Traduction français : « Le locataire peut, sous toutes réserves, continuer de payer son loyer… » (loi canadienne sur la location des locaux d’habitation).

Attention à ne pas confondre without prejudice et without prejudice to.

Source : Juripole