La covid-19 a impacté les entreprises et les baux commerciaux ne font pas exception. Pour endiguer la pandémie, les commerces jugés « non essentiels » ont été contraints à la fermeture (du 15 mars au 10 mai 2020), puis de nouveau lors du 2e confinement (29 octobre – 27 novembre 2020). L’état d’urgence sanitaire a placé les locataires dans l’impossibilité d’exercer leur activité et d’exploiter leur local commercial et donc de payer les loyers. Force majeure, exception d’inexécution ou encore perte partielle de la chose louée, le débat s’est alors ouvert sur la question de l’exigibilité des loyers commerciaux de la période de fermeture. Dans ce contexte flou et en l’absence de consensus des juridictions, les contentieux foisonnent. Les bailleurs de locaux professionnels commerciaux ne savent plus comment réagir face aux impayés. Les locataires, quant à eux déplorent l’obligation de contrat en dépit des décisions gouvernementales. Dans les deux cas, des questions relatives à la jurisprudence en matière d’exigibilité des loyers commerciaux, se posent. Procédure judiciaire ou résolution amiable ? Quelles solutions alternatives le cas échéant ? La réponse de Bonnefous dans cet article.
Exigibilité des loyers commerciaux des commerces non essentiels
Le 10 juillet 2020 marque la première décision d’un juge du fond, en faveur de l’exigibilité des loyers. Cependant, deux autres ordonnances de référé le 26 octobre 2020 par le juge des référés du même tribunal refusent la requête des bailleurs, au profit des preneurs ayant cherché en amont une solution amiable. Le tribunal judiciaire de Paris statue ensuite le 20 janvier 2021 sur le paiement des loyers commerciaux de la période du premier confinement sur la base de destruction de la chose louée définie dans l’article 1722 du Code civil. À défaut de chiffre d’affaires, le locataire se dédouane alors de son obligation de paiement du 16 mars au 11 mai 2020. Ainsi les bailleurs commerciaux ne seraient plus en droit de réclamer les loyers impayés sur la période, or, pour autant ce n’est pas de la faute du bailleur si le contrat n’est pas exécuté. Heureusement, bon nombre de locataires et bailleurs ont trouvé un terrain d’entente et réglé le litige à l’amiable, en abandonnant en totalité ou partiellement les sommes dues. Cependant, on ne compte plus les contentieux survenus après la période juridiquement protégée : clause résolutoire, procédures civiles d’exécution, saisies conservatoires… les juges du fond (tribunal de commerce ou judiciaire), de l’exécution et des référés à Paris, Lyon et Grenoble, ont alors été plus que sollicités.
Justice : l’évolution de positionnement
Suite aux différentes décisions de justice, les loyers en période de confinement seraient dus, rejetant ainsi l’exception d’inexécution et la force majeure. En effet, l’ordonnance du 25 mars 2020, n’avait en aucun cas suspendu l’exigibilité des loyers commerciaux, mais interdisait seulement aux bailleurs de recourir à des voies d’exécution forcée pour obtenir le paiement des loyers dus pour la période comprise entre la date du 12 mars et du 23 juin 2020. Le paiement des loyers commerciaux en retard ne peut donc pas générer de sanction, ni de saisie auprès de la banque sans autorisation préalable du juge et ce même si le bailleur est dans son droit via le bail commercial signé chez un notaire. En première instance (susceptible de poursuite en cour d’appel et reposant sur un fondement (la destruction de la chose louée), tout laisse à penser que les locataires, pourront substituer aux paiements des loyers dus pendant le confinement. À noter que le même Tribunal Judiciaire de Paris, considère par la décision du 21 janvier 2021 (n°20/55750), que l’exigibilité des loyers commerciaux sur le deuxième confinement se confrontait également à la contestation.
Le saviez-vous ? Certains avocats sont spécialisés dans le droit des baux commerciaux. En cas de litige, il est plus que recommandé de faire appel à cet expert des questions liées aux impayés de loyers des baux commerciaux.
Le fait est que les pouvoirs publics ont mis de nombreuses aides à disposition des commerçants dont un prêt garanti par l’État.
Où en est-on en 2021 ?
La décision prise le 20 janvier dernier pourrait donc bien représenter le début d’une jurisprudence. Les bailleurs, ont déjà été vivement encouragés à renoncer au loyer du mois de novembre avec un avantage sur leur crédit d’impôt, obtiendront-ils une nouvelle contrepartie s’ils renoncent aux loyers du premier confinement ? Pour le moment, l’exigibilité des loyers en période Covid ne parvient à aucun consensus favorable aux bailleurs ou aux preneurs. Les décisions rendues en référés ne valident pas l’efficacité de tel ou tel fondement. Un bailleur souhaitant obtenir le paiement des loyers commerciaux dispose d’arguments juridiques : le principe de l’exécution de bonne foi du contrat de bail commercial sur le fondement de l’article 1104 du Code civil. Cela dit, le bailleur peut alors démontrer qu’il a fait le nécessaire pour pérenniser la relation contractuelle (échéancier, franchise, suspension du paiement, etc.). La situation financière du preneur, grâce à l’activité affectée (via click-and-collect ou livraison), ne l’a pas contraint totalement à la fermeture. En ce sens, la crise sanitaire ne permet pas d’invoquer la force majeure, ni d’exempter le locataire du paiement des loyers et autres charges locatives (eau, gaz, électricité). En somme, Il s’agit, avant tout recours judiciaire, de démontrer que le bailleur est de bonne foi. En effet, les parties doivent garder à l’esprit qu’elles sont partenaires commercial et que la pérennité du commerce a également une incidence positive sur la valeur de l’immeuble loué. Bon à savoir : Dans le cas où le bailleur accordent l’abandon de loyer, l’article 20 de la loi de finance pour 2021 prévoit un crédit d’impôt avec des conditions d’éligibilité précisées par le ministère de l’Économie et des finances.