Interrogatoires préalables des témoins, débats contradictoires durant le procès, décisions des juges lors du verdict… Un sténographe judiciaire est amené à intervenir à chaque stade des procédures pour consigner et transposer par écrit l’ensemble des échanges entre les différentes parties. Son rôle est primordial dans le système judiciaire. L’exercice de ce métier nécessite de mobiliser des compétences spécifiques et de relever plusieurs défis pouvant impacter la qualité des traductions des transcriptions juridiques requises par des autorités étrangères. On fait le point sur cette profession souvent méconnue.
Sténographe judiciaire : un rôle essentiel
De quoi s’agit-il ?
Ces professionnels œuvrent au service de la justice. Ils consignent et transcrivent de manière neutre, impartiale et méticuleuse les propos échangés lors de procès, commissions rogatoires, interrogatoires en dehors de la cour…
Ils constituent une documentation fidèle (mot à mot) des dépositions et déclarations de témoins, des audiences des tribunaux, des séances d’arbitrage…
Le saviez-vous ? Au Canada, sténographes judiciaires et transcripteurs médicaux appartiennent au même groupe (1251) répertorié dans la classification nationale des professions (CNP).
Maillon clé du système judiciaire moderne
Cette profession a pris son essor au XIXe siècle avec l’invention des systèmes de sténographie moderne (comme la méthode Prévost-Delaunay). Progressivement, les sténographes judiciaires ont joué un rôle déterminant lors des procès grâce à la précision et la rapidité de chaque transcription.
Ce métier a beaucoup évolué à partir du XXe siècle. Notamment avec le déploiement de technologies numériques : enregistrement vidéo et audio des audiences, logiciels de transcription assistée par ordinateur…
Pourtant, ce professionnel reste un acteur essentiel, garantissant la fiabilité des transcriptions judiciaires. Les parties prenantes (avocats, juges…) peuvent s’y référer à tout moment. Par exemple, si le dossier est porté en appel, le juge examine ces documents avant de rendre sa décision. Ces archives précises et exhaustives participent à assurer l’intégrité de chaque procédure (impartiale et équitable).
À noter :
Lors d’un procès, ce sténographe peut intervenir : pour faire répéter un propos s’il est inaudible, pour demander des précisions si le témoin répond par un signe de tête… Avec toujours comme objectif d’assurer une transcription exacte.
Principales responsabilités des sténographes judiciaires
Leur travail ne se limite pas à la prise de notes rapide des paroles prononcées ou enregistrées au cours de procédures à l’aide d’équipements et de techniques spécifiques. Tout est consigné : nom des orateurs, questions, réponses, hésitations, pièces et motions présentées par les différentes parties…
Les missions de ces professionnels vont bien au-delà :
- Transcrire avec une précision sans faille les délibérations et témoignages consignés pendant les débats et en dehors des tribunaux.
- Vérifier l’exactitude et la complétude de chaque transcription constituant une preuve. Il s’agit de véritables comptes rendus officiels auxquels les parties prenantes (juges, avocats…) peuvent se référer. Essentiel pour assurer le bon déroulement d‘une procédure judiciaire, leur contenu doit être fiable : pas d’erreur ni d’information oubliée…
- Remettre les transcriptions des débats d’une cour martiale ou d’un tribunal aux instances ou personnes concernées.
La formation et les compétences requises pour exercer ce métier
Une formation spécifique
Il ne suffit pas d’être bon en français ni de savoir taper sur un clavier pour devenir sténographe judiciaire ! L’exercice de cette profession nécessite de mettre en œuvre un réel savoir-faire.
Accessibles avec un diplôme d’études supérieures, plusieurs formations permettent d’acquérir les compétences nécessaires.
Par exemple, au Canada, pour avoir le droit d‘occuper un tel poste, il est exigé de :
- Suivre la formation de l’École de sténographie judiciaire du Québec (ESJQ) à la renommée internationale. Durant 2 ans, les étudiants apprennent les techniques de transcription, le langage sténographique, la terminologie juridique… À la fin de leur cursus, ils obtiennent l’attestation d’études collégiales (AEC).
- Passer l’examen du Comité sur la sténographie du Barreau du Québec. Le réussir permet au candidat d’être admis au tableau des sténographes officiels du Québec après avoir prêté serment devant l’un des juges de la Cour Supérieure.
Bon à savoir :au Canada, les perspectives d’emploi sont bonnes pour les nouveaux diplômés. En effet, ce type d’expertise se fait de plus en plus rare et est très recherché. Pour faire face à la pénurie de talents, une formation de sténographie d’environ 6 mois est dispensée au Cabinet du juge militaire en chef situé au Centre Asticou à Gatineau au Québec. Elle est ouverte aux membres des Forces armées canadiennes (FAC) qui souhaitent embrasser la profession. L’obtention d’un poste se fait par un processus de reclassement accessible à tous les groupes professionnels. Les militaires candidats qui ne répondent pas aux critères (profil linguistique notamment) sont tout de même admissibles à postuler. Leur candidature est étudiée.
Les principales compétences et qualités requises
- Parfaite maîtrise de la langue française : orthographe, règles grammaticales…
- Excellentes capacités d’écoute et de concentration
- Vitesse de frappe très élevée (plus de 200 mots/minute, équivalent à un débit de parole normal) et précision dans la transcription
- Expérience éprouvée pour chaque méthode de travail (en temps réel ou à partir d’un enregistrement) : sténographie, sténotypie (technique d’écriture basée sur la phonétique et réalisée à l’aide d’un clavier spécial), utilisation d’un sténomasque (masque équipé d’un micro dans lequel le sténographe répète à voix basse les paroles pour les enregistrer en précisant la ponctuation, etc.)
- Bonne gestion du stress
- Respect de la confidentialité des échanges entre les intervenants : juges, prévenus, avocats…
Les défis à relever et l’impact sur la traduction juridique
Pour exercer son métier, un sténographe judiciaire doit relever plusieurs défis :
- Garantir des transcriptions exactes malgré diverses difficultés rencontrées : différents dialectes et accents des interlocuteurs, vitesses d’élocution variables, bruits de fond, complexité du jargon juridique et évolution constante du système judiciaire… Concernant ce dernier point, il est essentiel de réaliser une veille permanente pour mettre à jour ses connaissances dans ce domaine.
- Faire face à une pression éprouvante mentalement et physiquement : concentration mobilisée pendant plusieurs heures pour transcrire des échanges rapides et contradictoires, livraison dans des délais serrés, responsabilité quant à l’exactitude des informations transcrites…
- S’adapter aux évolutions (technologiques, métier…). Comme dans bien d’autres professions, les sténographes judiciaires sont soumis à de profonds bouleversements. Ils doivent apprendre à devenir des “professionnels augmentés” en s’appuyant sur les nouvelles technologies déployées : outils de reconnaissance et synthèse vocale…
Quels que soient les challenges rencontrés par un sténographe, il est crucial qu’il produise une transcription complète et précise. En effet, un oubli ou une information erronée pourrait avoir des conséquences juridiques importantes pour tous les acteurs de la chaîne.
C’est le cas notamment si la transcription doit faire l’objet d’une traduction officielle (réalisée par un traducteur assermenté) pour conserver sa valeur légale à l’étranger. L’expert traducteur missionné traduit de manière précise, tout en adaptant si besoin le contenu au système juridique en vigueur dans le pays visé pour garantir qu’il soit équivalent en droit. Si la transcription juridique d’origine présente des défaillances, elles se retrouveront dans le texte traduit ou rendront difficile le travail d’adaptation du traducteur.
Lire également : L’importance de la précision dans la traduction juridique
Même si les innovations technologiques sont de plus en plus performantes, elles ne sont pas prêtes de remplacer les sténographes judiciaires, garants de transcriptions strictement fidèles aux paroles prononcées lors de procès, auditions hors cour… Forts de leur savoir-faire, ces professionnels continuent à jouer un rôle crucial dans le système judiciaire moderne.