Comment le droit européen de la concurrence contrôle-t-il le fonctionnement du marché intérieur de l’Union ?

31 Jan 2022

Depuis l’entrée en vigueur du Traité de Rome le 1er janvier 1958, le droit européen de la concurrence, droit applicable aux entreprises présentes sur le territoire de l’espace économique européen, fait l’objet d’une réglementation stricte. Ce droit européen de la concurrence s’applique à toutes les entreprises, qu’elles soient privées ou publiques. Cependant, les services publics non marchands, tels que l’éducation ou la protection sociale, ne sont pas concernés par son application. Décryptage.

Quel est l’objectif du droit européen de la concurrence ?

Il s’agit de garantir le bon fonctionnement du marché intérieur de l’Union européenne. Pour garantir une concurrence libre, loyale et non faussée, il est nécessaire que les entreprises se mesurent les unes aux autres dans des conditions d’égalité et qu’elles s’efforcent de proposer aux consommateurs les meilleurs produits aux meilleurs prix. Afin de prévenir toute restriction et distorsion de la concurrence sur le marché intérieur de l’Union, la politique de la concurrence européenne se décline à travers deux grands axes. Le premier étant l’application de règles antitrust.

L’application des règles antitrust

Dans le but de donner à l’Union européenne un cadre juridique et des conditions économiques pour faire face à la concurrence internationale, la politique de la concurrence européenne interdit les ententes entre États ayant pour but de fausser la concurrence, les abus de position dominante sur le marché intérieur et sont surveillées les concentrations de dimension européenne.

Le contrôle des ententes entre États

L’article 101 du Traité de Rome interdit strictement les accords entre entreprises ou associations d’entreprises qui restreignent le jeu de la concurrence au sein du marché intérieur de l’Union européenne.

De tels accords faussant la concurrence comprennent par exemple les accords explicites (comme ceux des ententes), les pratiques concertées de fixation des prix, de limitation de la production ou les clauses de protection territoriale.

Néanmoins, d’autres types d’accords peuvent être exemptés de cette interdiction s’ils ont un rôle à jouer dans l’amélioration de la production, de la distribution des produits ou qu’ils favorisent le progrès technique et/ou économique.

Le contrôle des abus de position dominante

L’article 102 du Traité de Rome dispose que le fait, pour une ou plusieurs entreprises, d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur, ou dans une partie substantielle de celui-ci, est interdit si le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté.

Alors, la Commission européenne interdit parfois certaines concentrations d’entreprises afin de lutter contre la création de monopoles pouvant abuser de leur position de force et nuire aux consommateurs ou aux concurrents sur le marché intérieur.

Le contrôle des concentrations

Le paragraphe 3 de l’article 2 du règlement n° 139/2004 énonce que toute concentration d’entreprises qui rendrait non-effective une concurrence dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci, en particulier par la création ou le renforcement d’une position dominante, doit être déclarée incompatible avec le marché commun européen.

Afin d’éviter la création d’entreprises en situation de monopole, ce qui fausserait la concurrence et l’innovation, la Commission européenne se doit d’examiner l’impact des concentrations de dimension européenne sur la concurrence. En effet, si certaines concentrations ou acquisitions peuvent être bénéfiques pour les entreprises et l’économie dans son ensemble, d’autres peuvent entraîner un renforcement du pouvoir ou de la concentration sur un marché et affaiblir la concurrence.

La surveillance des aides d’État

L’article 107 du Traité de Rome dispose que les aides accordées par les États, ou au moyen de ressources d’État, qui faussent la concurrence en favorisant certaines entreprises ou productions sont incompatibles avec le marché intérieur, à moins que des dérogations soient accordées.

Cela implique que toute aide directe accordée par un État membre (tels que les subventions à fonds perdu, les prêts à conditions favorables, les exonérations d’impôts et de taxes, les garanties d’emprunt, etc.) est interdite sauf si le Traité de Rome autorise une exemption.

La lutte de la Commission européenne contre l’évitement fiscal

Si la Commission européenne sanctionne les aides d’État, elle s’attaque notamment aux distorsions de concurrence dans le domaine fiscal. En effet, les aides que les États membres octroient sont souvent des prêts à taux faibles, des subventions ou encore des investissements publics.

Également, afin d’attirer les grandes entreprises, certains États octroient des avantages fiscaux au cas par cas. La Commission considère que cela entrave le principe de concurrence au sein du marché intérieur et sanctionne de telles pratiques.

Le saviez-vous ?
En octobre 2017, Amazon a été condamnée à rembourser 250 millions d’euros d’arriérés d’impôts au Luxembourg.

L’exemption de certaines aides d’État par le Traité de Rome

En se conformant au droit de la concurrence européen, la Commission européenne surveille les aides que les États fournissent à certaines entreprises. Si les aides versées font tort au principe de concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions, elles ne sont pas compatibles avec l’existence d’un marché unique et sont interdites. Toutefois, le Traité de Rome autorise certaines exemptions à cette interdiction globale. Notamment, lorsque les aides d’État sont justifiées par des intérêts spécifiques d’importance supérieure, comme pour faire face à de graves perturbations économiques ou pour des motifs d’intérêt européen commun. Par exemple, dans le contexte du COVID-19, un encadrement temporaire des mesures d’aide d’État visant à soutenir l’économie a été adopté dans un souci de gestion des perturbations économiques engendrées par la pandémie.

Bien que le droit de la concurrence européen soit essentiel au bon fonctionnement du marché intérieur de l’Union, il comporte de nombreuses limites. Il existe de nouveaux enjeux auxquels la politique de la concurrence européenne est encore incapable de répondre. En effet, l’apparition d’Internet avec Microsoft et Apple ou encore l’arrivée des réseaux sociaux donnent naissance à de nouvelles habitudes de consommation impactant désormais tous les marchés et générant des enjeux de grande ampleur concernant la politique de la concurrence européenne.